Siméon et son fils Maxime se rendent à l'enterrement du dernier mari de la noire Destinée, l'ex-femme de Siméon. Mais un accident décime la famille, laissant la fille de Destinée, Antinéa, orpheline. Siméon l'adopte.

Tin est vive et précoce, et bouscule vite sa nouvelle famille. Elle pousse Siméon a concrétiser sa laison avec Karen. Elle stimule Maxime, accompagne l'évolution de la famille.

Une douzaine d'années plus tard, Tin et Maxime se retrouvent, pour un émouvant bilan de vie.

 

TIN est une grande nouvelle, ou un court roman, quelques moments de vie cocasses ou tendres, des évocations traitées dans un style rapide. Mais cette histoire-là s'imposait dans sa brièveté, avec ses personnages forts.

Tin a sans doute inspiré la Justine du Trésor de Justine, les deux adolescentes étant proches tout en restant différentes.

 

EXTRAIT

"– Ça va, Max ? demanda son père, quelques instants plus tard.

– Non, ça ne va pas. C’est ma mère, quand même. Pourquoi elle est comme ça ?

– Elle a peur de ce que tu peux lui reprocher.

– Tu parles ! Écoute, allons-y maintenant, je préfère la revoir un autre jour.

– D’accord.

– On dit au-revoir ?

– Non, on se tire en loucedé.

Ils ont passé le coin de la maison quand l’explosion écrase le ciel et la terre, et les tympans, derrière eux. Ils attendent, à-moitié sourds, que les débris aient finis de retomber, avant de revenir vers le jardin. Là, c’est le chaos. Tous les gens autour du buffet sont morts, les gens un peu plus éloignés du trou de la piscine ne sont que blessés. L’explosion a soufflé presque toute la maison voisine, et la façade de la maison de Destiné s’est écroulée. On voit l’intérieur de l’étage, et le toit penche dangereusement.

– Jésus, dit Maxime.

– Viens avec moi, dit Siméon, presque calme.

Ils allongent par terre des gens terrorisés. Siméon attrape des serviettes, des linges, et montre à Maxime comment faire des compresses, comment dire aux gens qu’il faut qu’ils compriment leurs blessures. Les pompiers arrivent étonnamment vite, et ils leurs demandent de les laisser faire.

Il y a un absurde banc mouluré en ciment à côté d’une mini-fontaine au fond du jardin et ils s’assoient. Siméon a vu Destinée et sa mère déchiquetées, et bien d’autres. Un petit animal court et s’agrippe à Maxime, collé tout à coup comme une ventouse.

Siméon soupire.

– Antinéa. Tu n’as rien ?

– J’étais partie faire pipi ! crie-t-elle.

Ils restent comme ça cinq minutes. Un policier arrive. Il leur demande s’ils sont de la famille.

– En quelque sorte... dit Siméon.

Quelques instants plus tard, une policière veut prendre l’enfant.

– Non ! crie-t-elle en s’agrippant de plus belle à Maxime gêné.

– On va s’occuper d’elle, dit Siméon.

Il va regarder, horrifié, les cadavres que l’on aligne. Tout à coup, quelqu’un derrière lui proteste. Il n’a que le temps de voir deux silhouettes montant dans l’escalier béant de la maison. Les pompiers hésitent à monter à leur suite. Ils reviennent, Antinéa et Maxime, posant des pieds prudent au bord des marches. Maxime porte un sac à dos et Antinéa une housse de coussin dans laquelle elle a mis des affaires. Enfin, ils sortent de la maison, sous les protestations furieuses des pompiers.

Un peu plus tard, la policière prend leurs coordonnés. Elle a à peine fini que la maison s’affaisse, et l’escalier explose comme s’il avait été pris dans un étau.

En fin de compte, ils rejoignent la voiture et partent.

Dans la voiture, Tin s’est allongée sur la banquette arrière.

– Nous avons de la route, dit Siméon. Jusqu’à Nantes. Dors, si tu peux. Il y a des coussins dans la voiture.

Max, en se tournant à demi, l’installe, lui montre le truc pour qu’elle soit quand même attachée avec la ceinture.

– J’ai vu maman. Elle est morte.

– Oui

– Et Mémé.

– Oui

Antinéa soupire.

– Il me reste plus que Grâce. Elle est à Rennes.

Siméon fouille dans sa mémoire.

– Grâce ? Elle est en France ?

Grâce est la petite sœur de Destiné, la dernière.

– Ouais. Elle n’est pas venue à l’enterrement. Ma mère ne voulait pas. Grâce, elle lui fout la honte…

Elle s’endort.  

Maxime regarde son père.

– Papa, tu m’avais dit que ça allait être étrange, mais là…

Siméon enlève sa main droite du volant et la pose sur l’épaule de son fils.

– Tu as entendu, le pompier disait que c’était à coup sûr une bombe de la deuxième guerre mondiale, une grosse, qui était restée enfouie…Si on n’avait pas creusé pour faire cette piscine… Le pompier connaissait l’odeur caractéristique…

– Putain, je n’ai revu ma mère que pour la voir mourir.

– Je sais.

– Et toi, qu’est-ce que ça t’a fait ?

– J’ai cru un instant que tout pouvait repartir comme avant. Même en sachant que c’était une fieffée salope. Mon cœur a battu… Et puis, avant l’explosion, j’ai réalisé que non, qu’elle était pire encore que quand elle nous avait abandonnés… Mais c’était une sacrée bonne femme…"