Aloha chez les petits poissons

 

ALOHA CHEZ LES PETITS POISSONS

Texte complet

Conte en théâtre d’ombres

 

Le théâtre d’ombres est une vieille pratique en provenance d’Extrême-Orient. En Chine, Malaisie, Indonésie, Inde, il est resté très à la mode jusqu’à ce que le cinéma vienne le supplanter.

Mais il permet, aujourd’hui encore, des effets spectaculaires avec des moyens modernes.

Le conte d’ « Aloha ›› est conçu pour donner un spectacle complet, qui peut être monté assez simplement, ou agréablement enrichi de couleurs, musiques, décors. À vous de trouver la forme qui vous convient, en utilisant comme vous le voulez les conseils qui suivent.

 

TECHNIQUE

Le principe du théâtre d’ombres est simple : les spectateurs se trouvent devant un écran, sur lequel sont projetées des ombres. À partir de là, tout devient compliqué : comment faire un écran ? Quelle source lumineuse utiliser ? Comment travailler les silhouettes, faire des décors ? Faut-il des voix, de la musique ?

L’ÉCRAN

Il est indispensable que l’écran soit très soigné, et de taille convenable. Il peut s’agir d ‘un drap fin tendu entre deux lattes de bois, une en haut, une en bas, ou d’un grand papier calque (acheté en rouleau). Le mieux étant de faire un cadre complet, avec des coulisses de chaque côté.

L’écran réduit le spectacle à deux dimensions. Les spectateurs ne doivent pas être placés trop près pour que l’illusion soit bonne.

LA SOURCE LUMINEUSE

Pour que les ombres soient nettes, il faut l’obscurité la plus totale possible, et une source lumineuse bien ponctuelle (la plus proche possible d’un point). Une ampoule opaline, réflectrice ou à filament long donnera des ombres floues. Il faut donc choisir une ampoule de 100 watts, par exemple, à filament court, ou un LED puissant. Pensez aussi â un projecteur de diapos, en enlevant l’objectif. Il est possible d’utiliser deux sources lumineuses successivement, ceci pour obtenir des changements de décors instantanés, les deux projecteurs écartés de quelques mètres, et orientés l’un et l’autre vers l’écran (un système de rhéostats permettrait d’ailleurs de faire des fondus-enchainés). Attention â ce que la lumière ne déborde pas de l’écran, et ne se projette pas au plafond, par exemple. On peut faire des caches avec du carton, l’essentiel étant que l’ensemble soit bien fixe.

Les projections peuvent être colorées, mais uniquement avec des rhodoïds de couleur bien transparents pour ne pas, encore une fois, diffuser la lumière. Autre solution, si vous utilisez des projecteurs de diapos, c ‘est de monter des papiers transparents de couleur (papiers de bonbons ?) sur des caches de diapositives.

Autre utilisation intéressante : des diapositives transparentes avec des ombrages, des détails (effets de vagues, par exemple) dessinés aux feutres de couleur.

 

SILHOUETTES

Tout est possible, avec un peu d’astuce ! Les silhouettes peuvent être en carton, en contre-plaqué si elles doivent être plus solides. Plus la silhouette est près de la source lumineuse, plus elle est grande. Mais elle est moins nette, ce qui peut être utilisé comme un effet. C’est ainsi qu’un personnage très net (proche de l’écran) peut se promener dans un grand décor un peu flou, qui n’est qu’une maquette de quelques dizaines de centimètres, proche de la lampe. On obtient de cette manière de bons effets de profondeur.

Pour suspendre des éléments de décors, pour faire bouger des silhouettes, on utilise des fils de nylon fin, du fil de pêche, par exemple, qui ne se verra pas sur l’écran

Quelques conseils : dessinez des silhouettes aux formes simples, et ne compliquez pas trop. Un petit truc amusant : vous pouvez garnir les trous des yeux de papier transparent de couleur : I ‘œil sera bleu, ou rouge, ou jaune. Mais n’abusez pas trop de ce système de « fenêtres ›› qui affaiblit les silhouettes. Les comédiens qui jouent derrière l’écran doivent présenter, eux aussi, des silhouettes aisément identifiables. Attention aux vêtements trop flottants, ou trop enveloppants. Les visages sont plus expressifs de profil, mais avec les corps de face, et les bras bien visibles.

 

VOIX, MUSIQUES

La musique est très importante pour créer l’ambiance. Le mieux est de sélectionner des morceaux, de les minuter et de les enregistrer à la suite sur une clé ou sur une liste de lecture. Le responsable du son y verra son travail facilite. On peut essayer de trouver des musiques orientales, indiennes, balinaises ou tahitiennes. Ou encore différentes musiques donnant une « tonalité ›› à chaque scène. Pensez, par exemple, à Ravel pour différentes scènes d’eau, Moussorsky pour la tempête, etc. Il existe des sites de bruitages, mais il est peut-être aussi simple de les réaliser directement, surtout si vous êtes nombreux.

Les voix : rien n’empêche que les voix soient indépendantes des personnes qui jouent. C’est probablement même le plus simple. Faites en sorte que chaque voix soit très identifiable.

 

RÉPÉTITIONS

Comme tout spectacle, le théâtre d’ombre doit se répéter soigneusement, et avec l’ensemble des éléments. Ayez de l’ordre, de la discipline, et que les machinistes travaillent en silence. Tous les emplacements doivent être marqués au sol avec de la craie ou des adhésifs de couleur.

Le théâtre d’ombres est riche de possibilités, en jeu, mime, inventions, trucages, alors... faites travailler votre imagination, et bon spectacle !

 

ALOHA CHEZ LES PETITS POISSONS

 

PERSONNAGES

(Par ordre d ‘entrée en scène)

LE CONTEUR

ALOHA, jeune demoiselle des îles

CRAC, le gros poisson

JEAN-ANDRÉ, poisson-pilote

JUSTECIEL, la pieuvre

BARNABÉ, le vieux crabe

LE POISSON-LUNE

Musique. Lumière A. La silhouette du conteur apparaît, accroupi, tenant son bâton. Il a une belle voix, parle lentement.

Décor : une hutte, un palmier, un croissant de lune.

LE CONTEUR – Ce soir, je vais vous raconter l’histoire d’Aloha, jeune fille des îles de là-bas, qui traînait sur le rivage un jour de grand vent et fit au fond des mers un bien curieux voyage...

Aloha aimait la mer, et passait dans 1’eau le plus clair de son temps. Elle jouait avec les vaguelettes, au bord de la plage de sable fin, nageait dans le lagon, se laissait rouler dans les plus grosses vagues, et passait des heures à se laisser flotter doucement dans l’eau claire et chaude d’une crique, sous l’ombre d’un palmier.

Aloha n’allait pas à 1’école, car l’école n`avait pas encore été inventée dans les îles. Chaque jour était donc un jour de vacances. D’ailleurs, qu’aurait-elle appris dans une école ? Elle savait pêcher les poissons, cueillir les fruits et connaissait les racines qui sont comestibles. Elle savait coudre et tisser, et possédait même son propre métier à tisser, en bambou, avec lequel elle avait fait ses vêtements, et de nombreux tissus de toutes les couleurs pour tous les gens qu’elle aimait. Elle savait même compter, ce qui n`est pas indispensable, mais peut se révéler utile pour composer des colliers avec des petits coquillages de toutes sortes...

Pendant la tirade du conteur, son ombre s’est lentement effacée, remplacée par celle d’Aloha, grandeur nature, qui mime le discours du conteur. Elle est vêtue d’un sarong ou d’un paréo, pieds nus.

LE CONTEUR – Donc, Aloha savait tout ce qu’elle devait savoir pour vivre, enfin, tout ce qu’elle devait savoir pour vivre dans les îles. Il faut dire aussi que Aloha avait beaucoup appris en écoutant son grand-père raconter des histoires, surtout les légendes anciennes, car il y a toujours un fond de vérité dans les vieilles légendes... Aloha, donc, adorait la mer et nageait comme un poisson. Elle aurait bien aimé, d’ailleurs, être un poisson, pour pouvoir se glisser librement parmi les massifs de coraux. Mais elle avait beau retenir sa respiration le plus longtemps possible, il lui fallait remonter de temps en temps pour prendre de l’air, ce qui n’est guère pratique. Pourtant, ce n’était pas l’envie qui lui manquait de descendre, bas, très bas, dans ces fonds qui lui paraissaient si étranges et si mystérieux...

On ne fait pas tous les jours ce que l’on veut, n’est-ce pas ? Mais venons-en à notre histoire... Un jour, donc...

Noir. Changement de musique : elle doit évoquer le vent et la tempête. Pendant le noir, changement de décor, on passe en lumière B. Sur l’écran vient se silhouetter un bord de l’île, avec une falaise qui surplombe la mer, des palmiers. Le vent souffle, les vagues vont et viennent, les palmiers plient et se tordent.

LE CONTEUR –  Un jour de grand vent, Aloha était montée jusqu’à la falaise, qui surplombe la mer. Le spectacle était magnifique : depuis l`horizon, les vagues arrivaient comme de grands oiseaux blancs, et venaient se fracasser sur les rochers.

Silhouette d’Aloha – petite silhouette-marionnette découpée dans du carton, et tenue par un fil – se promenant sur la falaise. Le vent redouble : on peut faire voler des petits papiers devant un ventilateur pour figurer la tempête.

LE CONTEUR – C’était très beau, mais c’était très imprudent. Ce qui est écrit doit arriver, et ce qui devait arriver arriva : Aloha fut soulevée par le vent, et projetée dans les airs.

Musique plus forte. Silhouette d’Aloha secouée par la tempête, parmi les débris projetés par le ventilateur. La falaise disparait, il ne reste plus que les vagues menaçantes, en bas. Et puis la tempête se calme, la musique s’adoucit, et la silhouette d’Aloha tombe doucement dans la mer. Changement de lumière (lumière A), changement d’ambiance, c’est un éclairage verdâtre de fonds sous-marins. Une autre silhouette d’Aloha flottant et nageant, dérive lentement parmi les bancs de poissons. Bruits sous-marins inquiétants. Puis la silhouette d’Aloha grossit, s ‘approche du fond.

VOIX D’ALOHA – Aïe !

Changement de lumière – lumière B. On retrouve Aloha grandeur nature, assise sur le fond sous-marin – sur le sol –, et qui se masse les flancs. Au-dessus d’elle passent des bancs de petits poissons, une méduse, une algue flottante – bande de soie légère.

Elle se relève, regarde autour d’elle.

ALOHA – Où est-ce que je suis ? C’est vraiment très étrange... Je suis au fond de la mer, et je parle, je respire... Brrrr ! ll fait froid ici ! Il y a quelqu’un ?

Pas de réponse. Elle va d’un côté, regarde au loin, puis de l’autre. Pendant ce temps, arrive dans son dos Crac, le gros poisson, qui parle d’une voix caverneuse – sa voix peut être obtenue en parlant dans un tube de carton ou de plastique.

CRAC – Miam miam ! Voilà mon déjeuner !

On ne voit de Crac que deux énormes mâchoires ouvertes, avec de terribles dents et un petit œil méchant.

ALOHA – Ah ! Vous m’avez fait peur ! (il s’approche, menaçant) Eh là ! Eh là ! Qu`est-ce que vous voulez ?

CRAC – Vous manger ! Vous manger !

ALOHA – Mais je ne veux pas, moi !

CRAC – Je comprends très bien que vous ne soyez pas d’accord. Mais moi j’ai faim, et comme je suis un poisson carnivore, je vous mange !

ALOHA – Ah mais non !

CRAC – Ah mais si ! (il ouvre encore plus grand les mâchoires, mais Aloha tout à coup se penche, étonnée)

ALOHA – Oh là là, dites donc !... Elles sont pas en bon état !

CRAC – Quoi donc ?

ALOHA – Vos dents. Elles sont drôlement abîmées ! Je vois des trous partout ! Tiens : celle-là. Qu’est-ce qu’elle doit vous faire mal ! (elle tape dessus)

CRAC – Aïe !

ALOHA – C’est très mauvais de garder une dent aussi abimée ! C’est mauvais pour l’hygiène, ça sent pas bon, et ça vous empêche de mâcher correctement.

CRAC – C’est bien pour ça que je suis oblige d’avaler.

ALOHA – Alors c’est encore plus mauvais pour la digestion !

CRAC – Et qu`est-ce que vous voulez que j`y fasse ?

ALOHA – Écoutez... moi je peux vous aider. Mais vous me promettez de ne pas me manger après ?

CRAC – Hein ? Qu’est-ce que vous voulez faire ?

ALOHA – Je vais essayer de vous l’enlever. C`est la meilleure solution. Et vous serez soulage tout de suite. D’accord ?

CRAC – Eh bien...

ALOHA, avec décision – Bon ! Ouvrez grand, et ne bougez plus. N’ayez pas peur ! Ça fait un peu mal sur le coup, mais après c’est fini. (Aloha attrape la dent à deux mains, et tire et pousse. Le poisson grogne, se débat un peu. Elle s’appuie sur une dent plus petite pour tirer. C’est la petite dent qui casse) Tiens, ç’en est une autre qui a cassé ! C’est pas très solide, tout de même ! (elle jette le morceau, reprend l’autre et secoue à deux mains)

CRAC – Aïe aie aïe aïe... (la dent s’arrache avec toute sa racine. Elle est énorme. Aloha la brandit comme un trophée, toute heureuse)

ALOHA – Oui ! Je l’ai ! Youpie !... (Crac dodeline de la tête et remue la bouche dans tous les sens)

CRAC – Hou hou hou qu’est-ce que j’ai mal ! Houuu...

ALOHA – Ça va mieux ?

CRAC – Houuuuuu... Je rentre chez moi... Hou... Hou...

(il recule, s’en va en geignant. Aloha reste seule. Passe un petit banc de poissons)

ALOHA – C’est quand même curieux que je puisse respirer. Et ce gros poisson qui parlait... Tout est bizarre, ici. Moi aussi, je retournerais bien chez moi... Mais comment faire ? (elle frissonne, s’assoit sur la grosse dent comme sur un tabouret. Un petit poisson arrive juste au-dessus d’elle)

JEAN-ANDRÉ – Vous avez besoin de quelque chose ?

ALOHA – Quelqu’un a parlé ?

JEAN-ANDRÉ – Oui, moi. Vous avez besoin de quelque chose ? (il tourne au-dessus de la tête d’Aloha, qui regarde de tous les côtés)

ALOHA – Où êtes-vous ? Qui êtes-vous ?

JEAN-ANDRÉ – Je suis là. Au-dessus de vous. Je suis un poisson-pilote.

ALOHA, qui lève la tête – Bonjour monsieur le poisson-pilote. Comment allez-vous ?

JEAN-ANDRÉ – Mal, très mal, et vous ?

ALOHA – Pas très bien non plus. J`ai froid et je voudrais rentrer chez moi. Et je ne sais pas comment faire. Mais vous ? Vous êtes seul ?

JEAN-ANDRÉ – Eh oui. C`est là tout mon drame, en effet. Je suis tout seul, et ce n’est pas une vie, pour un poisson-pilote ! J’ai besoin de compagnie, moi. J’ai besoin de quelqu’un à guider, avec qui faire équipe...

ALOHA – Bon, je ne sais pas si ça peut vous intéresser, mais je connais un gros poisson...

JEAN-ANDRÉ – Un gros poisson ? Où ça ? Comment est-il ? Est-ce qu’il a bon caractère ? Est-ce qu’il...

ALOHA – Attendez attendez ! Je ne sais pas, je n’en sais rien ! Je l’ai vu tout à l’heure, c’est tout. Il avait l`air un peu terrifiant, mais il doit être très gentil. Vorace, mais gentil. Voyons, il ne doit pas être loin. Il est parti dans cette direction-là, vous devriez pouvoir le rattraper.

JEAN-ANDRÉ – Merci ! Oh, merci ! Je...

ALOHA – Attendez ! ll faut que je vous demande un service, en échange. Je voudrais savoir comment faire pour remonter sur mon île, là-haut.

JEAN-ANDRÉ – Pour remonter ? Vraiment, je n`en sais rien...

ALOHA, déçue – Ah bon...

JEAN-ANDRÉ – Mais il y a quelqu’un, peut-être, qui pourrait vous aider...

ALOHA – Ah bon ?

JEAN-ANDRÉ – Le vieux crabe, là-bas, qui habite derrière les rochers. Il est très savant. Il pourra vous renseigner, lui.

ALOHA – Où ça ?

JEAN-ANDRÉ – Par là, vous ne pouvez pas le rater.

ALOHA – Merci, merci beaucoup ! Pour le gros poisson, heu... Peut-être est-ce qu’il vaut mieux ne pas lui dire que vous venez de ma part. Je ne suis pas sûre qu’il ait gardé un bon souvenir de notre rencontre...

JEAN-ANDRÉ – Ne vous inquiétez pas, je ne dirai rien. Et vous, faites attention à la pieuvre. Elle est méchante, il vaut mieux l’éviter...

Le petit poisson virevolte, et file dans la direction indiquée. Aloha lui fait un dernier signe de la main, puis sort en direction des rochers. Changement de lumière (lumière B). Aloha-marionnette réapparaît, avançant dans le décor sous-marin. Petite musique pour l’accompagner. C’est aussi le décor qui peut défiler, elle-même restant fixe. Des éléments découpés sont alors poussés les uns derrière les autres. Retour en fondu-enchaîné á la lumière A, avec Aloha en grandeur nature. Sur son chemin se trouve la pieuvre, immobile. Plusieurs acteurs derrière la silhouette de la pieuvre agiteront quatre ou six bras, avec une souplesse de tentacules. Aloha voit la pieuvre, hésite à passer, mais comme rien ne bouge, elle s’aventure, franchit l’obstacle. Mais, tout à coup, une voix s`élève.

JUSTECIEL – Qui est là ? Qui vient me déranger ?

ALOHA – Je ne veux surtout pas vous déranger ! Je passe seulement !

JUSTECIEL – Pas si vite ! (elle attrape une cheville d’Aloha) Vous allez me dire qui vous êtes, ma petite, et ce que vous faites là.

ALOHA – Moi ? Je m’appelle Aloha. Je suis tombée au fond de la mer, mais je voudrais bien remonter là-haut, sur mon île...

JUSTECIEL – N’y pensez pas ! Jamais vous ne repartirez ! Vous resterez ici toute votre vie, ma petite, et moins longtemps encore si quelqu’un vous mange avant, ah ah ah !

ALOHA – Lâchez-moi ! Lâchez-moi !

JUSTECIEL – Je veux bien vous lâcher, vous n’irez pas bien loin, de toutes façons !

ALOHA – Pourquoi êtes-vous si méchante ?

JUSTECIEL – Parce que je m’ennuie ! (elle pousse un gros soupir)

ALOHA – Comment pouvez-vous vous ennuyer ? Vous n`avez qu’à vous raconter des histoires.

JUSTECIEL – Ça ne m’intéresse pas !

ALOHA – Et avec toutes vos mains, vous pouvez mimer ce que vous voulez. Tenez, regardez, je vais vous montrer : voilà une colombe. Alors on peut imaginer l’histoire d’une colombe qui...

JUSTECIEL – Qu’est-ce que c’est que ça, une colombe ?

ALOHA – Une colombe ? Heu, bon, c’est un mauvais exemple. Mais voilà autre chose : un poisson ! (elle fait un poisson)

JUSTECIEL – Comment ? Comment ?

ALOHA – Vous voyez, c’est simple !

JUSTECIEL – Montrez-moi ! Comment faites-vous ?

ALOHA – Comme ça ! Tenez, voilà un cachalot...

JUSTECIEL – Un cachalot ? Comme ça ? C`est bien, là ? (elle essaie un poisson d`un côté, un cachalot de l’autre)

ALOHA – Et ainsi de suite. Vous pouvez inventer toutes les figures que vous voulez, tous les personnages... (toutes les mains de la pieuvre se sont mises à s’agiter dans tous les sens pour essayer de faire des figures. Aloha en a profilé pour faire un pas de côté)

JUSTECIEL – Voyons voyons, je pourrais faire l’histoire de...

ALOHA – Excusez-moi, est-ce que vous pourriez me dire...

JUSTECIEL – Fichez-moi la paix ! Vous ne voyez pas que je suis occupée ?

ALOHA – Je m’en vais, je m’en vais ! Mais est-ce que vous pouvez me dire, simplement, où se trouve un crabe que je cherche ?

JUSTECIEL – Par-là ! (elle indique la direction avec toutes ses mains, puis revient à ses silhouettes)

ALOHA – Merci...

Elle sort. La lumière s’estompe. Petite musique. La lumière revient (lumière B). Sur l’écran, il y a juste un gros caillou. Arrive Aloha, qui semble bien découragée.

ALOHA – Vraiment, j’ai cherché partout, je ne le trouve pas, ce vieux crabe... (elle s’assoit sur le caillou. Mais lentement, de chaque côté, une pince se déploie, une pince de crabe. Aloha sursaute, se lève précipitamment)

ALOHA – Oh ! Pardon ! Je vous avais pris pour un rocher !

BARNABÉ – Ce n’est pas grave.

ALOHA – Je vous cherchais.

BARNABÉ – Ah bien ? Et que me vaut l’honneur d’une si charmante visite ?

ALOHA – Voilà... Je suis tombée par accident au fond de la mer. Mais je voudrais bien remonter sur mon île...

BARNABÉ – Vous ne vous plaisez pas, ici ?

ALOHA – Si si ! Je me plais bien ! Mais... Je voudrais aussi revenir chez moi, retrouver la chaleur du soleil... Est-ce que vous pouvez m’aider, s`il vous plaît ?

BARNABÉ – Je vois ce qu’il vous faut. Quel jour sommes-nous, aujourd’hui ?

ALOHA – Je ne sais pas. Pourquoi ?

BARNABÉ – Est-ce que c’est une nuit avec lune, ou sans lune, ce soir ?

ALOHA – Je pense... oui, je crois que la lune sera toute ronde.

BARNABÉ – C`est parfait, je vais l’appeler.

ALOHA – La lune ?

BARNABÉ – Oui. Sigismond ? Sigismond ? Vous allez remonter avec lui. Avec elle, si vous voulez. Le voilà.

LE POISSON-LUNE – Tu m’as appelé ?

BARNABÉ – Tu montes là-haut, ce soir ?

LE POISSON-LUNE – Oui, je vais faire mon petit tour.

BARNABÉ – Tu peux emmener cette jeune demoiselle ?

LE POISSON-LUNE – Bien sûr. Mais il faudrait partir maintenant, pour ne pas être en retard.

ALOHA – Alors, la lune, c’est vous ?

LE POISSON-LUNE – Je suis le poisson-lune. Poisson, le jour, et lune la nuit. Alors nous y allons ?

ALOHA – Oui. Est-ce que je pourrais revenir un jour ?

LE POISSON-LUNE – Bien sûr, il suffira de m`attendre, un jour, au petit matin.

ALOHA – Bonsoir monsieur le crabe, et merci beaucoup. Si vous voyez le poisson-pilote, dites-lui que je reviendrai, s’il vous plaît.

BARNABÉ – C’est promis, je le lui dirai. À bientôt ? (il replie lentement ses grandes pinces)

ALOHA – À bientôt ! (le poisson-lune s’est placé au-dessus d’Aloha)

LE POISSON-LUNE – Accrochez-vous bien, nous allons partir !

Aloha lève les bras. Musique. La lumière baisse doucement. Changement (lumière A). C ‘est une nouvelle silhouette d’Aloha, suspendue à un petit poisson-lune, qui s’élève, dérange un banc de poissons, traverse les vagues. La falaise réapparaît, et la lune vient déposer doucement Aloha. Noir. Alors, la lune s’illumine et s’élève dans le ciel (un accessoiriste, côté spectateurs, projette un rond de lumière à l’emplacement ou se trouvait la lune, et le déplace doucement jusqu’en dehors de l’écran. Dernier changement, dernière image : c’est Aloha, taille réelle, dans le premier décor (hutte et palmier), qui agite la main et fait un tendre au revoir â la lune. Musique plus forte...

 

FIN

 

 

Les sketches de Bernard Sallé, publiés dans les magazines des éditions de Fleurus, puis à la Librairie Théâtrale, sont disponibles pour les troupes amateurs ou professionnelles.

Les représentations données gratuitement sont libres de droits. Si elles sont payantes, une déclaration est nécessaire à la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques), avec le paiement de droits (minimes). Les sketches sont déjà enregistrés à la SACD, et la procédure est simple.

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