Anna la folle
Une comédie qui traite d’un cas de multipersonnalité dans le contexte de sortie de guerre au Congo et dans un improbable établissement psychiatrique. La personnalité de la jeune Anna, après de terribles traumatismes, a éclaté en cinq personnes, qui utilisent tour à tour le corps. Le spécialiste français qui est arrivé pense qu’il peut réussir la « fusion », mais il faut convaincre les personnages, et les surprises ne vont pas manquer !
Anna la folle a été créé à Brazzaville, Congo, en 2000, dans une mise en scène de Bernard Sallé.
La jeune pensionnaire d’une clinique de Brazzaville est atteinte de multipersonnalité. Arrive un spécialiste français qui est intéressé par le cas d'Anna. Mais la clinique est un étrange établissement qui n'a que quatre malades et le directeur ne possède aucune qualification psychiatrique. Par ailleurs, en cette année 2000, le Congo sort d'une guerre civile, et la vie est encore très désorganisée. Tout devient drôle, ou tragique, selon les points de vue.
Le docteur français va entreprendre de guérir Anna, de convaincre les différents « personnages », Stella, Grâce, Nono, maman Mbila et Nanou, de fusionner pour restaurer une personnalité unique. Sa présence va par ailleurs déstabiliser la clinique, aiguiser l'appétit d'argent du directeur, précipiter les événements.
Anna, et ses six « personnages », est évidemment au centre de la pièce, avec la performance exceptionnelle d’une comédienne. Mais outre la question de la multipersonnalité, fortement documenté, c’est également tout le contexte de la sortie d’une guerre civile qui est présent, avec les comportements des victimes et des profiteurs. Le ton néanmoins reste léger, souvent drôle. Une pièce africaine moderne, passionnante, et cette étrangeté du cas de multipersonnalité, qui donne de grands moments de théâtre.
9 personnages joués par 6 comédiens.
Un décor unique.
Durée 2h10.
EXTRAITS
« Merrell – Il est rare qu’elle parle comme ça. Il n’y a qu’avec Yolande qu’elle se livre un peu, et encore, c’est quelques mots...
Dupuis – Vous avez entendu, il s’est passé quelque chose avec des soldats. Vous savez ce qui s’est passé ?
Merrell – Non.
Dupuis – Anna a subi un traumatisme vers 12 ans. Peut-être une série de traumatismes, mais il y a eu quelque chose également à l’âge de Nanou... Quelque chose qui a « inventé » Nanou, qui est restée la victime, pour que Anna puisse continuer à vivre, en oubliant ce qui s’est passé...
Merrell – Oui, je vois.
Dupuis – Je soupçonne Maman Mbila de connaître la vérité, parce qu’elle est apparue pour soutenir la petite...
Merrell – Vous savez, notre pays a connu des années terribles. Il y avait toutes ces milices, et ces soldats qui faisaient n’importe quoi. Ils ont fait régner la terreur, même après la guerre civile... Nous avons subi des pillages, des viols, des assassinats... »
*****
Dupuis – Enfin bref, j’ai promis de venir ici faire une évaluation de son cas.
Perpétue – Une évaluation ?
Dupuis – Oui, une sorte d’expertise.
Perpétue, indignée – Je pensais que vous étiez venu pour la soigner.
Dupuis – La soigner ? Ça, c’est autre chose.
Perpétue – Tout le monde croit que vous êtes venu pour la soigner !
Dupuis – Il n’y a qu’une seule manière de soigner les multipersonnalités : c’est de tenter une fusion entre tous les personnages.
Perpétue – Alors il faut la tenter.
Dupuis, agacé – Bien sûr qu’il faudra la tenter un jour ! Mais c’est un processus qui est long, et moi je repars mardi.
Arrive Yolande, un paquet de gâteaux à la main.
Yolande – Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi les malades sont dans leurs chambres ?
Perpétue – Mado a fait une crise, et tu n’étais pas là.
Yolande – Ah zut !
Perpétue – Heureusement que monsieur Dupuis s’est occupé d’elle. Si Malonga apprend que tu t’étais absentée...
Yolande, spontanément – Tiens, prends un gâteau. »