Le Révizor

 

Les notables d’une petite ville sont inquiets : on leur annonce un Révizor, un contrôleur du gouvernement. Mais le jeune homme qu’ils prennent pour le Révizor n’est qu’un jeune voyou qui va profiter de la situation.

La pièce russe immensément célèbre de Gogol prend une nouvelle dimension drolatique dans cette adaptation africaine. Les histoires de corruption, d’incompétence et de sottise trouvent une résonnance nouvelle qui sonne on ne peut mieux. Du grand théâtre magnifiquement rafraîchi.

Une trentaine de personnages qui peuvent être joués par 15 comédiens.

Deux décors.

Durée 2h30.

 

 

Le Révizor a été créé à Brazzaville en 1995 par la compagnie Le Rideau de lianes, mise en scène de Bernard Sallé.

 

« Le Maire – Je vous ai convoqué, messieurs, pour vous faire part d’une très fâcheuse nouvelle : il nous arrive ici même, dans notre ville, un Révizor.

Le Juge – Comment ça, un Révizor ?

Le Directeur de l’hôpital – Vous voulez dire un Inspecteur Général ?

Le Maire – Oui, un Révizor, qui vient de la capitale, incognito. Et, de plus, il arrive avec des instructions secrètes.

Le Juge – En voilà une drôle d’histoire !...

Dir. hôpital – C’était trop beau, on était tranquille comme Baptiste, et les ennuis commencent !

L’Inspecteur des écoles – Seigneur Tout-puissant ! Avec des instructions secrètes par-dessus le marché !

Le Maire – J’en avais comme un pressentiment. Toute cette nuit, je n’ai fait que rêver à deux rats énormes. Vraiment, je n’en avais jamais vu d’aussi gros : tout noirs, d’une taille fantastique. Ils sont venus, ils m’ont reniflé et puis ils sont partis... Tenez, je vais vous lire la lettre que je viens de recevoir de mon neveu, Albertin. Vous le connaissez, Albertin, c’est celui qui est parti à Brazzaville pour passer son diplôme, et qui travaille au Ministère de l’Intérieur. Voilà ce qu’il m’écrit : « Mon cher oncle et bienfaiteur... (il marmotte en parcourant la lettre des yeux)...de t’annoncer... » Ah ! c’est là : « ...je me hâte de t’annoncer entre autres choses qu’un fonctionnaire est parti avec mission d’inspecter toute la région et spécialement notre district. (il lève le doigt d’un air significatif) Je l’ai appris de source absolument sûre, bien qu’il se fasse passer pour un simple particulier. Comme je sais que tu as comme tout un chacun quelques peccadilles sur la conscience, parce que tu es un homme intelligent et que tu n’aimes pas laisser échapper les occasions qui passent à la portée de ta main... » (il s’arrête) Oui, je saute ce qui est personnel... »

 

***

 

Lætitia – Ah !

Stéphane – Qu’est-ce qui vous a fait peur, mademoiselle ?

Lætitia – Moi ? je n’ai pas eu peur.

Stéphane, se levant, charmeur – Je devrais être fâché d’avoir troublé une jolie jeune fille telle que vous, mais... je n’en suis pas fâché. Oserais-je vous demander où vous alliez ?

Lætitia – Nulle part ! Non, je n’allais nulle part.

Stéphane – Et pourquoi donc alliez-vous nulle part ?

Lætitia – Je cherchais... je me demandais si maman était là.

Stéphane – Non. Mais quelle bonne idée, tout de même, d’aller nulle part.

Lætitia – Je vous ai dérangé. Vous étiez dans des affaires importantes.

Stéphane – Il n’y a plus d’affaires importantes quand on plonge son regard dans vos jolis yeux, mademoiselle !... Même les affaires d’État s’évanouissent devant tant de grâces !

Lætitia – Vraiment, je ne mérite pas... vous parlez comme on parle à Brazzaville…

Stéphane – Mais une personne aussi délicieuse que vous mérite les hommages les plus empressés !... Oserais-je vous proposer un siège ? Que dis-je ? Ce n’est pas un siège qui vous conviendrait, mais un trône !...

Lætitia – Vraiment, je ne sais pas... Il faut que je m’en aille, vous savez.

    Elle s’assied tout de même sur le canapé et il prend place à côté d’elle.

Stéphane – Vous avez une très jolie petite robe.

Lætitia – Vraiment ? Vous dites cela pour vous moquer d’une pauvre fille de village.

Stéphane – Ah ! mademoiselle, comme je voudrais être cette petite ceinture pour enlacer cette si jolie taille.

Lætitia – Comment ?... Ah mais je ne... Quel drôle de temps, aujourd’hui, vous ne trouvez pas ?...

Stéphane – Qui peut s’intéresser au temps qu’il fait quand il a devant les yeux des petites lèvres aussi joliment dessinées, aussi gourmandes...

Lætitia – Vous me dites des choses qui... des choses que... Est-ce que... je voulais vous demander de m’écrire quelque chose sur mon album de souvenirs...

Stéphane – Pour vous, mademoiselle, je ferais n’importe quoi !... Que voulez-vous que je vous écrive ? Voulez-vous que je vous écrive quelques vers, sur votre album de souvenir ?... Exigez ! je suis tout à vous !

Lætitia – Oh oui ! des vers. Mais à quels vers pensez-vous ?

Stéphane, embarrassé – Mais... J’en connais tant et tant…

Lætitia – Dites-moi ceux que vous allez m’écrire !

Stéphane – Pourquoi faire ? puisque je les connais par cœur.

Lætitia – Vous ne pouvez pas me les dire maintenant ?

Stéphane – C’est qu’il y en a de toutes sortes... Tenez, ne serait-ce que ceux-là, sur la… quiétude champêtre. Hmm :

« Connais-tu mon beau village,

Qui se mire au clair de l’eau,

Encadré dans le feuillage... »

Lætitia, déçue – Oui, je connais, j’ai appris ça à l’école.