Traductions de Shakespeare

 
La passion de Bernard Sallé pour Shakespeare est passablement ancienne, puisque, candidat libre au Bac en 1969, il avait présenté à l'épreuve d'anglais des extraits de La Tempête. Pendant quelques années, il a traduit différentes scènes de drames et comédies, qu'il a fait travailler dans plusieurs troupes. Il a mis en scène Beaucoup de bruit pour rien en 1992 à Paris. Mais ce n'est qu'en 2015 qu'il a repris sa traduction du Songe d'une nuit d'été, suivie, petit à petit d'autres traductions, avec une accélération pendant le confinement du Covid. Son ambition est d'éviter l'aspect "traduction littéraire", respectable, sans doute, mais souvent peu adapté à la scène, aux comédiens et à la compréhension du public. Shakespeare écrivait pour la scène, les mots étaient fluides, les images parlantes. Il fallait retrouver cette spontanéité, tout en respectant le sens et l'intention. Ces nouvelles traductions, agréables à lire, sont donc aussi, et surtout, destinées à être jouées.

 

The Globe, gravure commandée par Bernard Sallé pour son "Histoire du théâtre".

 
 

 

Les pièces de Shakespeare figurent ci-dessous dans l'ordre chronologique généralement admis.
Toutes ne sont pas traduite (encore). Les pièces traduites sont accompagnées d'un bouton qui renvoie à leurs page.

 

 

 

L'ordre ci-dessus est approximatif, mais il correspond aux meilleurs recoupements. Certaines pièces ont plusieurs versions selon les in-folio. Le Project Gutenberg ayant fait un travail remarquable sur l'établissement des textes, je me suis fié la plupart du temps à leurs versions pour le texte anglais. Parmi les grands traducteurs, on peut saluer Guizot, avec ses traductions simples et colorées, mais qui pèchent par deux défauts : son langage est maintenant vieilli, et il y a des erreurs d'interprétation. Montégut a de belles formulations, et prend des libertés. La référence habituelle est François-Victor Hugo, extrêmement scrupuleux dans son intention de donner toutes les nuances du texte de Shakespeare, mais avec un rendu en français qui l'oblige à de nombreux compléments de phrases et subordonnées. Le résultat est quelquefois lourd, avec des assonances pas toujours heureuses. Ses traductions permettent une véritable connaissance de Shakespeare, mais sont besogneuses sur scène, loin de la légèreté et de la colorature du texte initial.
Par ailleurs, l'écriture du poète (Shakespeare) a évolué avec le temps. La versification conventionnelle des débuts s'affranchit vite des formules toutes faites, pour développer une plus grande originalité de style et de belles inventions. Ses pentamètres en vers libres permettent sur scène une scansion et un rythme agréables pour le spectateur (comme les alexandrins classiques en France). Mais déjà, dès 1594-1595, Shakespeare utilise également la prose pour certains passages, et du "langage parlé" plus naturel. Son style d'ailleurs ne cessera pas d'évoluer, plus efficace, et en même temps plus nuancé. Les sous-entendus et les doubles-sens abondent. Les allusions grivoises ne manquent pas dans les comédies. L'écriture de Shakespeare est la plupart du temps vive et joyeuse, et la traduction doit prendre en considération cette légèreté.
C'est ainsi que les deux derniers ouvrages se distinguent par des passages lourds et ordinaires, qui ne sont manifestement pas de la plume de Shakespeare. La troupe lui réclamait encore des pièces. Il en a bâti les trames, rédigé quelques passages, mais il a laissé à un collaborateur le reste du travail.
Aux détracteurs de l'existence de Shakespeare, ou de sa paternité sur les pièces, la meilleure réponse est d'attirer l'attention sur l'unité singulière du style, dans son évolution. De même que L'Illiade et L'Odyssée sont à l'évidence du même poète, les pièces de Shakespeare lui appartiennent.