Beaucoup de bruit pour rien

 

Don Pedro revient de guerre et passe par Messine, avec parmi ses seigneurs, Claudio et Bénédict. Claudio est amoureux de Héro, la fille de Léonato, et Bénédict poursuit un jeu d’escarmouches verbales avec Béatrice.

Mais John, le frère de Don Pedro, complote pour faire échouer la romance de Claudio, tandis que le Prince et Claudio veulent faire tomber Bénédict et Béatrice amoureux l’un de l’autre, malgré eux. Héro est odieusement calomniée, et Claudio rompt. Héro tombe comme morte.

Mais une bande d’improbables gardes civils, dont le très stupide Dogberry, surprennent les aveux des complices de John. La situation ne se dénouera toutefois qu’au dernier moment, avec l’union des deux couples d’amoureux.

 

 

Beaucoup de bruit pour rien est une belle comédie sentimentale, dont le ressort dramatique, la calomnie d’Héro, semble annoncer un drame, ou un mélodrame. Cette intrigue-là fera d'ailleurs l’essentiel d’Othello. Mais Shakespeare désamorce à l’avance, par les aveux des coupables, le côté tragique de l’histoire. Nous savons, nous, que le drame n’aura pas lieu, tandis que les personnages sont encore dans l’erreur. Nous savourons donc tous les aspects comiques d’une situation qui ne peut que bien se terminer. Écrite presque au fil de la plume, la pièce semble n’obéir qu’à sa propre fantaisie, mais les scènes se succèdent harmonieusement, composant l’une des plus appréciée de comédies du grand Will.

 

 

Béatrice Je m’étonne que vous persistiez à faire la conversation, seigneur Bénédict : personne ne vous écoute.

Bénédict Tiens tiens, madame la Persifleuse, vous êtes encore de ce monde ?

Béatrice Comment pourrait-elle mourir, tant qu’elle peut se repaître d’un aussi bon sujet que celui du seigneur Bénédict ? La courtoisie elle-même se convertirait au persiflage, si vous paraissiez en sa présence.

Bénédict Ce serait un curieux retournement de sa part. Car il est avéré que je suis adoré par toutes les dames, en dehors de vous seule. Et ce n’est pas faute de vouloir me découvrir un cœur un peu moins dur, car, à la vérité, je n’en aime aucune.

Béatrice Quel rare bonheur pour les femmes ! Voilà qui leur épargne les assiduités d’un pernicieux soupirant. Grâce à Dieu, et à mon peu d’inclination, je partage votre humeur sur ce point : j’aime mieux entendre mon chien aboyer aux corneilles que d’entendre un homme venir jurer qu’il m’aime.

Bénédict Que Dieu conserve votre Grâce dans ces dispositions !... Le visage de quelque gentilhomme ne peut que s’en trouver préservé de fatales égratignures.

Béatrice Les égratignures ne gâteraient pas le tableau, s’il s’agissait d’un visage tel que le vôtre.